vendredi 9 octobre 2015

Alain Griset, courageux Faizeux de la réussite par l'apprentissage !


Quelle émotion folle ! 
Avant-hier, mercredi matin me voilà en goguette avec Aurélien Sallé (Bouquet BBZ «  entreprenez votre vie ») à Tourcoing, dans une banlieue grise de Lille. J’y ai vu le plein soleil de l’espoir et mille motifs de colère noire. Un type hors-normes nous accueille, fils du peuple, père manœuvre costaud dans la sidérurgie, artisan taxi de son état, élégant homme, personnage audiaresque, sur-zébresque : Alain Griset, président des Chambres de Métiers. Vrai patron, vrai coeur, vrai lion en cas de coup dur, authentique responsable français

C’est lui qui, avec les artisans dont il est l’emblème, le porte-voix. Il a littéralement sauvé l’apprentissage en France quand des abrutis gouvernementaux (osons le mot) ne rêvaient que d’envoyer vers le Bac 80% d’une classe d’âge. Le Griset, lui, pensait qu’il valait mieux envoyer 80% de nos jeunes vers l’emploi, mieux encore, vers un métier magnifique. Le p’tit gars artisan taxi, rétif à la reptation devant la fatalité, eut raison des mini-Colbert, et de tous les pédalo inspirés : 105 000 jeunes sont actuellement en apprentissage. Et il a créé, l’animal courageux, il y a dix ans l’Université régionale des métiers et de l’artisanat, son grand oeuvre - parce que ce zèbre, animé par une étrange grandeur d’homme à qui on ne la raconte pas, ne supporte pas qu’on massacre le jeunes de son pays

A mi-voix, il me glisse : «  cette masse de jeune qui ne croient plus en rien, c’est une bonbonne de gaz ! ».

Et à Tourcoing, ce mercredi-là, le Griset me fait visiter au pas de charge un centre d’apprentissage avec tout un aréopage qui sent la fierté : patron boucher de grand civisme, marbrier de haut-talent, etc. Ici, dans ce centre de formation d’apprentis, tenez-vous vous bien, 80 % des jeunes ont un contrat de travail dans les mains à la sortie, pardon, un vrai métier. 80 %, vous m’entendez ? Bordel, qui fait mieux ? 

Quelle beauté : tout sent le propre dans ce bâtiment, l’exigence tatillonnne, le respect d’autrui. Zéro tag sur le murs de l’établissement au milieu de cette ville populaire, ouvrière, franchement peu gâtée. Dans toutes les classes où nous passons et discutons je pose la même question aux élèves : 
«  Qui ici a entendu parler de l’apprentissage lors de l’orientation en classe de troisième ou ensuite au collège ou au lycée ? ». 
Réponse à tous les étages : PERSONNE

L’Education nationale n’a qu’un rêve : garder ses petits dans son giron, les envoyer vers le Bac et des diplômes rutilants qui, hélas, assurent si souvent une place à Pôle Emploi. L’horreur, le scandale social avec en prime les bons sentiments. L’horreur parce que les classes populaires du Nord y ont cru à cette sinistre farce optimiste. Elle se sont saignées pour que leurs gamins suivent le glorieux parcours académique qui envoie dans le décor. Elles ont fait confiance à ceux qui « savaient » ceux qui ne doutaient pas du chemin. Manque de bol, leurs enfants, humiliés, se retrouvent Bac plus quelque chose, chez Pôle Emploi ou dans une mission locale pour l’Emploi ( plus de 100 000 jeunes dans les PLI du Nord !). 

Audiard a raison : « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ». 

Alors que dans l’établissement que je visite, impeccable et suréquipé en machines dernier cri (imprimantes 3D pour les prothèses dentaires, etc. ), payé rubis sur l’ongle par la Région (ici 100 % de murs sont payés par la Région alors qu’en Ile de France la proportion tombe à… 50 %… laissant aux chambres de métiers la charge des autres 50% qui reste… hors de leur portée !).
En clair, on a commencé par casser et désespérer les jeunes que je rencontre ici heureux et fiers. Dans ce CFA de Tourcoing, on leur refabrique de l’horizon, de l’estime de soi, de la compétence monnayable. Avant on promettait le mur de l’échec à ces jeunes. Tous savent pourquoi ils sont là : ici on ne leur raconte pas d’histoires, ils auront du boulot, du vrai. 
Je demande : «  Qui ici a l’intention de se mettre à son compte ? ». La moitié des bras se lèvent, dans toutes les classes (opticiens, prothèses dentaires, coiffure, esthéticienne, etc. ), ça sent l’énergie en marche, l’envie de vivre, l’ascenseur social réel. En plein Tourcoing. Ah, je sens mon coeur battre. Et mes hôtes jubilent. 

Mais soudain le réel se rappelle à notre bon souvenir… Je pose la sale question :  « A-t-il été facile de trouver une entreprise, un maître de stage ? ». Et là, le décor s’obscurcit. Tous ces jeunes ont galéré. Plus de cent contacts pour un positif. J’essaie de comprendre pourquoi les entreprises sont si rétives. Les langues se délient. TOUT, absolument TOUT est fait pour les décourager. Le contrat d’apprentissage est à signer pour deux ou trois ans ; en cas de souci économique, ça se termine aux prud’hommes ; impossible dans le système français de faire porter un contrat d’apprentissage par plusieurs entreprises ! Nos technocrates ont dit non. Ou alors il faut se mettre dans l’illégalité. L’Etat prétend avoir fait son devoir pour relancer l’apprentissage en assumant 100 % de ce qui est versé aux jeunes s’ils ont moins de dix-huit ans. Mais les jeunes ici ont plus de dix-huit ans - tous ceux que je vois - car l’Education nationale fait tout pour qu’ils n’arrivent pas là avant dix-huit ans ! C’est kafkaïen ! Les techniciens à Paris - décidément si éloignés des praticiens - en ont décidé ainsi. Et l’ensemble des normes édictées par nos techniciens sabote l’apprentissage.
Les artisans boulangers n’ont pas le droit de faire bosser l’apprenti avant 6H du matin alors que le fournil se met en route… avant 4H du matin ! TOUT est comme ça. Tout a été pensé par des non-praticiens. Pire, toutes ces réglementations sont instables. Les artisans ne savent jamais en signant un contrat d’apprentissage si les conditions vont changer en cours ou non. Les règles bougent sans arrêt. Griset a beau se débattre comme un diable pour donner un avenir et de l’autonomie à ces jeunes courageux, le « système » lui savonne la planche sans la moindre culpabilité. 

Alors, en quittant Tourcoing avec lui, j’oscille entre l’enthousiasme fou et la colère. Comment est-il possible que les vivants, les Faizeux et les bienveillants soient à ce point entravés en France ? Comment ce délire administratif peut-il perdurer à ce point-là
Dans le train, je demande à Alain Griset pourquoi il se bat... Il me parle du jeune homme de vingt-deux ans qu’il a été, du jour où artisan taxi il a voulu se mettre à son compte en empruntant 3000 francs en 1974. Les banques lui avaient alors claqué la porte au nez. Une tante bienveillante avait hypothéqué sa petite maison chez un notaire, pour se porter caution. «  Moi j’ai eu une tante, mais eux ? » me lâche-t-il avec émotion. La sienne allume la mienne. 


Je suis tellement fier que des furieux positifs comme cet homme existent encore en France. C’est cette France-là, combative, faizeuse, altruiste par ses actes et solidaire dans les faits que j’ai envie d’aider. 

A pleins poumons. Vive la France ! 


3 commentaires:

  1. Je peux te parler du sujet si tu veux 😊

    Comme tu le sais je bosse sur le sujet en Seine-Saint-Denis

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  2. Et en particulier en effet les postulants apprentis doivent se demerder tous seuls lá ou en Allemagne ils sont plutôt bien accompagnes!

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  3. Merci pour cette énergie ressentie dans ce billet et bravo pour l'émission vue hier soir, j'adore !

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